Nichés entre lacs et montagnes, les vins de Savoie restent encore un trésor confidentiel du paysage viticole français. Et pourtant, ce petit vignoble, accroché aux pentes alpines, regorge de pépites à découvrir. Vins blancs cristallins, rouges de caractère, bulles fines… La diversité est bien réelle, portée par des cépages uniques et un terroir spectaculaire. C’est le moment de chausser ses crampons œnologiques et de partir à la découverte de ce vignoble de haute altitude !
Une histoire millénaire
Le vignoble savoyard ne date pas d’hier. Les premières traces de viticulture dans la région remontent à l’Antiquité, lorsque les Romains introduisirent la vigne sur les coteaux ensoleillés des Alpes. Mais c’est véritablement au Moyen Âge que la viticulture savoyarde prend de l’ampleur, portée par les monastères et les grandes abbayes, qui structurent le paysage viticole et valorisent les cépages locaux. À cette époque, les vins de Savoie voyagent déjà au-delà des frontières, échangés sur les routes commerciales transalpines.
Le vignoble connaît ensuite des périodes d’expansion, notamment sous le duché de Savoie, qui favorise son essor économique. Puis vient le déclin, au fil des siècles : phylloxéra, guerres, exode rural… Il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle pour voir renaître une dynamique qualitative, avec la reconnaissance des AOC dès les années 1970. Aujourd’hui, la Savoie vit une véritable renaissance, entre tradition et modernité, portée par une nouvelle génération de vignerons passionnés.
Le vignoble savoyard : une terre de contrastes
Disséminé entre les rives du Léman et les pentes de la Combe de Savoie, le vignoble s’étend sur environ 2 000 hectares, soit 0,27 % du vignoble français. Il s’égrène en arc de cercle sur les contreforts alpins entre 250 et 550 m d’altitude, dans les départements de Savoie, Haute-Savoie, Ain et Isère.
Des terroirs complexes et spectaculaires
Les sols sont extrêmement variés : moraines glaciaires, éboulis post-glaciaires, marnes, calcaires, alluvions alpines, jusqu’à des vestiges de l’écroulement du Mont Granier en 1248. Le climat, à la croisée des influences océaniques, continentales et méridionales, produit une mosaïque de microclimats.
Une viticulture héroïque
Le relief parfois spectaculaire de certaines zones, comme la Combe de Savoie ou Chautagne, pousse à parler de « viticulture héroïque », où les vignerons arrachent leurs vignes à la pente, défiant littéralement la gravité.
Quels sont les cépages des vins de Savoie ?
Voici l’une des signatures fortes des vins de Savoie : leur palette de cépages autochtones. Ici, on sort clairement des sentiers battus. En tout, 22 cépages sont officiellement reconnus, et certains très rares sont en cours de replantation.
Les cépages blancs dominent
Plus de 70 % de la production savoyarde est dédiée aux vins blancs. Et pour cause, la région excelle dans ce registre, portée par des cépages expressifs et bien adaptés aux conditions alpines.
- Jacquère : vif, léger, désaltérant. C’est le cépage emblématique de la Savoie, très présent dans les AOP Vin de Savoie et Apremont. Il donne des vins frais, aux arômes d’agrumes et de fleurs blanches, parfaits pour l’apéritif ou les plats de montagne.
- Altesse (ou Roussette) : plus structuré, ce cépage offre une bouche ample et élégante, avec des notes florales, de miel et parfois de fruits secs. Il gagne en complexité avec le temps et se montre très intéressant à la garde. Il est aussi à la base de l’AOP Roussette de Savoie.
- Chasselas : fruité, souple, facile à boire, il séduit par son côté croquant. Typique des crus de Crépy, Marignan ou Marin, il donne des vins qui accompagnent bien la cuisine simple et conviviale.
- Gringet : rare et délicat, ce cépage confidentiel se cultive presque exclusivement dans le secteur d’Ayze. Il est la base des effervescents fins et racés, avec une belle tension et des arômes floraux subtils.
- Roussanne (ou Bergeron) : puissant et complexe, ce cépage trouve sa meilleure expression dans le cru Chignin-Bergeron. Il donne des vins riches, aux arômes d’abricot, de miel, de fleurs jaunes et d’épices douces. Il supporte très bien la garde.
- Molette : souvent assemblée à l’Altesse, notamment dans l’AOP Seyssel, elle apporte fraîcheur et légèreté aux effervescents et vins tranquilles.
- Verdesse : cépage très rare, cultivé en Isère, qui offre des vins blancs nerveux, floraux, avec un joli potentiel aromatique.
Et les cépages rouges en Savoie ?
Ils tiennent tête aux blancs avec élégance, portés par des cépages typés, souvent méconnus, mais pleins de caractère.
- Mondeuse : le cépage rouge phare de la région. Il donne des vins profonds, aux tanins affirmés, avec des arômes de fruits noirs, d’épices et parfois des notes animales. Rustique et poivré, il évoque une Syrah version alpine, avec une belle aptitude au vieillissement.
- Gamay : plus fruité et léger, il apporte fraîcheur et gourmandise. Il produit des vins faciles à boire, aux arômes de cerise, de fraise et parfois de violette. Il est souvent vinifié en cuve pour garder toute sa fraîcheur.
- Pinot noir : élégant, délicat, souvent vinifié en finesse sur les terroirs plus frais de la région. Il révèle des notes de fruits rouges, une belle tension et une certaine minéralité qui rappelle son expression bourguignonne, avec une touche savoyarde.
- Persan et Douce noire (ou Corbeau) : des cépages anciens remis au goût du jour par des vignerons passionnés. Le Persan offre des vins charpentés, avec une belle complexité aromatique, tandis que la Douce noire, plus rare encore, donne des vins colorés, généreux et pleins de personnalité.
Appellations et crus de Savoie
La Savoie compte plusieurs AOP :
- AOP Vin de Savoie, avec 16 dénominations géographiques complémentaires comme Apremont, Chignin, Les Abymes, Jongieux, Ripaille, Marignan, Arbin ou encore Cruet.
- AOP Roussette de Savoie, pour les blancs issus d’Altesse avec 4 dénominations géographiques complémentaires : Frangy, Marestel, Monterminod et Monthoux.
- AOP Seyssel, pour les vins tranquilles ou effervescents à base d’Altesse et de Molette.
Chaque cru a son identité. Un Apremont sera tendu et citronné, alors qu’un Chignin-Bergeron (100 % Roussanne) offre une richesse aromatique surprenante.
Quelques pépites à découvrir
SALUT A TOI! – Abymes
Le domaine des Crocs Blancs nous propose cette belle cuvée en 100% Jacquère sous l’appellation Abymes, voisine d’Apremont.
Une cuvée fruitée avec arômes de fruits à chair blanche (Poire, pêche, fleurs blanches). Légèrement acide, avec une belle tension, c’est un vin perlant qui est parfait pour partager un apéritif entre copains et accompagner un beau plateau de fruits de mer. Un vin idéal pour accompagner quelques huîtres au marché de La Rochelle !
Itinérances Polaires – Chignin
Toujours en 100% Jacquère, c’est cette fois-ci le domaine des Albatros qui nous propose cette magnifique cuvée des montagnes savoyardes.
Sous l’appellation Chignin – AOP Vin de Savoie, on retrouve un vin plein de fraicheur et de minéralité. Si j’étais déjà séduit par la très belle étiquette, mais aussi le nom de cette cuvée, la première gorgée a fini de me convaincre ! Une autre pépite à découvrir, qui accompagnera parfaitement un apéritif, des fruits de mer ou du poisson.
GAMAY JONGIEUX – Vin de Savoie AOP
Côté rouge maintenant, un 100% gamay avec cette cuvée Jongieux Gamay.
Un vin que j’ai apprécié pour sa simplicité, sa légèreté et sa rondeur. Un vin facile à boire, avec un petit goût de reviens-y. C’est bien fruité, ça tend vers la fraise des bois. Pour l’accorder, rien de tel qu’une belle raclette entre copains ! Vous pourrez aussi parfaitement l’apprécier sur une fondue, une tartiflette et tout autre plat bien riche à base de fromage ! Sur un apéritif, c’est très bien aussi. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait !
Mondeuse ARBIN – Domaine Perceval
Toujours en rouge, mais cette fois-ci sur un monocépage de Mondeuse, le principal cépage de la Savoie.
Cette cuvée AOP Mondeuse Arbin est parfaite pour être dégustée sur une belle viande rouge ou un plat typique de la Savoie : raclette, fondue ou tartiflette ! Elle accompagnera aussi à merveille une bonne planche de charcuterie. Légèrement tannique, on y ressent bien le fruit. Un vin bien équilibré qu’il faudra boire assez jeune.
Les nouvelles étoiles du vignoble
Depuis une quinzaine d’années, une génération de vignerons bouscule les codes. Ils travaillent en bio ou en biodynamie, valorisent les vieux cépages, cherchent la précision dans les vinifications. On pense à Dominique Belluard (disparu récemment, pionnier du Gringet), Adrien Berlioz, Gilles Berlioz, Fabien Trosset ou encore la famille Dupasquier.
Ces noms résonnent comme des références, et leurs vins se retrouvent désormais sur les plus belles tables.
Comment déguster les vins de Savoie ?
Les vins de Savoie sont parfaits pour l’apéritif, la cuisine de montagne, mais pas seulement !
- Jacquère + raclette ou fondue : un grand classique.
- Roussette + poisson de lac : mariage tout en finesse.
- Chignin-Bergeron + volaille à la crème : accord noble et gourmand.
- Mondeuse + charcuterie fumée ou gibier : le duo qui claque !
Et pourquoi pas les tester sur des cuisines asiatiques ou végétariennes ? Le côté frais et tranchant des blancs se marie à merveille avec des plats épicés ou végétaux.
Peut-on faire vieillir les vins de Savoie ?
Certains oui ! Les Roussettes, les Chignin-Bergeron ou les Mondeuse ont un vrai potentiel de garde. Ils peuvent vieillir entre 3 et 10 ans selon le millésime et le domaine. D’autres, comme la Jacquère, sont à boire dans leur jeunesse pour profiter de leur fraîcheur.